Ci-dessous le texte intégral et les illustrations du
livret sus-nommé.
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Constitution de l'Eglise de Bréau
Les Pasteurs, de 1619 à 1664
La Vie des Fidèles au XVIIè siècle
Interdiction du culte Réformé à Bréau - Rasement du Temple (1664-1685)
Les Dragonnades (1683-1686)
L'Eglise du Désert (1685-1787)
De la Tolérance à la Restauration (1787-1833)
Le temple actuel
Et aujourd'hui
Le village de Bréau offre la particularité d'être construit selon les règles d'un urbanisme circulaire, avec, en partie centrale, un verger continu. Il faut voir cet ensemble au printemps, ces constructions baignées, noyées, dans une double enceinte d'arbres en fleurs. Bréau, alors, selon l'image d'un poète ami " se drape dans sa robe de mariée ".
Histoire de Bréau !
Dans un passé lointain, quelques images, espacées les unes des autres par plusieurs siècles ; des périodes de résurgence, suivies de longues nuits. Des époques préhistoriques et protohistoriques, pratiquement rien : quelques tessons, ramassés çà et là, témoignent qu'un lieu de passage existait, mais d'une installation à cette époque, rien n'apparaît.
Pour la période romain, nous relevons dans un ouvrage de C. CHANTE, paru aux alentours de 1900, la relation suivante, qui serait extraite des Commentaires de la Guerre des Gaules de César, au livre 7 : " Les Gaulois, dans leur désespoir, ordonnèrent aux habitants de la Bréaunèse de former contre les Romains un contingent de mille hommes ". Selon une tradition, les habitants, pour échapper au massacre, s'enfuirent dans l'épaisse forêt et s'arrêtèrent au pied de la montagne, au hameau de Salagosse, qui, de ce fait, devint un centre relativement important.
Quelques siècles plus tard, l'étalon des mesures usitées au Vigan se trouvait encore dans ce village. De l'époque romaine, il faut encore signaler qu'une importante voie, reliant Nemausus, capitale des Rutènes, traversant le Vigan sur la rie gauche de l'Arre, passait au-dessus de la source d'Isis et suivait ensuite probablement le vieux chemin de Bréau, à partir de Cauvalat. Au Moyen-âge , on désignait cette route sous le nom de " Cami Ferrat ".
Au VIIè siècle, les habitants de Salagosse, cherchant une meilleure situation, s'installèrent sur l'emplacement actuel du village de Bréau. Une abbaye fut fondée dans la vallée entre Salagosse et Bréau. Elle prit le nom de Saint-Martin de Valrufe. La toponymie nous indique là une origine wisigothique.
Au début du VIIIè siècle, arrivée des Sarrazins. On raconte qu'à Bréau les Sarrazins auraient si bien détruit l'Abbaye de St-Martin de Valrufe, dont une tradition fait le siège épiscopal d'Arisitium, qu'elle ne serait jamais relevée de ses ruines, et qu'il a été impossible d'en retrouver superficiellement trace. Un lieu-dit St-Martin permet d'en localiser approximativement l'emplacement. Puis vient une longue période de silence.
Aux XIIè et XIIIè siècles, après la chute de QUERIBUS dans les Corbières, certains Cathares ont pu trouver refuge dans les Cévennes (destruction du château de Caladon, qui abritait des hérétiques). C'est également à cette époque que BERANGER, élève d'ABELARD, vint chercher refuge dans les Cévennes. Il se pourrait que son lieu d'asile fût situé dans cette région qui nous intéresse. Il avait composé son " Apologétique contre Saint-Bernard, abbé de Clairvaux, et les autres prélats qui ont condamné Pierre Abélard. A la suite de l'orage provoqué par cette publication, il lui fallait fuir les foudres de l'Eglise.
Au XIVè siècle, exactement en 1331, un document nous donne le nom de BREONO. Faut-il y voir une altération de GRANUUS (barbu) en GREONO, puis BREONO, surnom de BELLENUS, dieu Celte ?
Par la suite, c'est surtout à travers l'histoire de la Réforme que le passé de Bréau va nous être conté. Là, les documents abondent !
C'est en 1556 et 1557 que la Réforme fut prêchée pour la première fois dans les Cévennes. Une tradition rapporte que ce fut Noble Dame de MANDAGOUT, femme du Seigneur de SERRES, qui favorisa la doctrine nouvelle dans notre vallée. Le premier élan fut arrêté par une violente persécution, et ce n'est que quelques années plus tard que fut constituée l'Eglise Réformée du Vigan, par le ministre TARTAS, Pasteur de Sauve, en même temps que furent organisées celles de la région. A cette époque, Bréau la Bréaunèse et la vallée de Mars, de même qu'Arphy, formaient des mas et des hameaux dépendant des paroisses et communautés d'Aulas. L'Eglise d'Aulas-Bréau existait dès le mois de septembre 1560, mais aucun pasteur n'étant encore attaché à la paroisse l'Eglise envoya M. MERCIER, notaire et ancien du Consistoire d'Aulas, à Genève, pour demander la nomination d'un pasteur. Le messager demeura un mois en voyage pour cette sollicitation, et il lui fut alloué 40 livres pour ses frais. On envoya Maître Guillaume MAYRAND, qui fut donc le premier pasteur de notre Eglise, mais celui-ci ne resta que 10 mois. Il avait laissé sa femme et ses enfants à Genève, et ce ministère parut trop onéreux. Il fut remplacé par le pasteur Michel BERAUD, homme docte et savant, de janvier à mars 1562. Fulcrand de MONTFAUCON, baron d'HIERLE, dont Aulas était la principale place, s'opposa par la violence à l'exercice du culte réformé et BERAUD s'enfuit. On le retrouve à Lodève en 1562, à Beziers en 1563. Il mourut en 1611, professeur de l'Académie de Montauban.
En 1561, le Consistoire du Vigan avait proposé aux protestants d'Aulas d'avoir un pasteur commun pour les frères de Sumène, Aulas, Mondardier, Molières, Aumessas, Valleraugue et Le Vigan. Mais cela ne pouvait exister qu'à titre provisoire. En effet, dès 1564, un document, le rôle des fournitures du syndic François SIEGES, nous apprend que la paroisse d'Aulas avait son pasteur en la personne d'Antoine SEGUIN, qui y resta jusqu'en 1571. C'est sous son ministère que l'Eglise Réformée fut officiellement reconnue. Le 28 mars 1565, l'exercice de la Religion Réformée à Aulas fut établi par lettres Patentes du roi CHARLES IC, données à Toulouse. Depuis l'organisation de l'Eglise jusqu'à la révocation de l'Edit de Nantes (1560-1685), 46 pasteurs se succèdent à Aulas-Bréau. Le culte était célébré à Aulas, dans l'église paroissiale de Saint-Martin convertie en temple dès 1560. Cet édifice fut détruit à la révocation de l'Edit de Nantes en 1685.
Constitution de l'Eglise de Bréau
Le développement de la culture des mûriers et l'élevage des vers à soie, suivant les préceptes d'Olivier de SERRES, furent la cause d'une grande prospérité économique et d'un accroissement de la population de Bréau. Une conséquence en fut la constitution, en 1595, d'une communauté indépendante de celle d'Aulas.
Cette autonomie administrative et l'autorité de chefs de famille puissants et écoutés, amenèrent la population de Bréau à demander la création d'une paroisse également autonome. Dès 1611, une ordonnance, rendue à Montpellier, accordait gain de cause à cette demande, mais l'église d'Aulas ayant interjeté appel, l'affaire resta en suspens. Au colloque de Sauve, tenu l 1er mars 1617, Pierre de SURVILLE, sieur de PUECHMEJAN, Noble Benoît du CAYLON et Sire Pierre MAYSTRE, député de Bréau, demandèrent que le pasteur dAulas exerçât désormais son ministère 6 mois à Aulas et 6 mois à Bréau, parce que :
Le colloque de Sauve ordonna que l'église de Bréau aurait le quart du ministère pastoral. L'église d'Aulas dut refuser ce partage, car le synode du Vigan, réuni au mois de mai suivant ; consacra la séparation des deux paroisses et joignit les fidèles de la Bréaunèse (Mars, Serres, Salagosse, le Bruel, le Plan) à ceux de Bréau.
Les protestants de la Bréaunèse, à l'exception de Mars, refusèrent. Enfin, on fut obligé de reconnaître que l'église de Bréau était plus commode pour l'exercice du culte. Aussi, en 1621, demandèrent-ils d'être réunis à Bréau, mais le statu quo fut maintenu jusqu'en 1629.
Cette année-là, la communauté de la Bréaunèse donna charge à Pierre VALETTE, collecteur de la Bréaunèse, de poursuivre sa séparation d'avec Aulas et son union avec Bréau, au cours d'une assemblée au lieu-dit du Mazel, au mois d'avril 1629. VALETTE constitua un petit budget de 40 livres et s'employa aux démarches nécessaires. Enfin, le synode provincial de Saint-jean du Gard de 1630 consacra le fait, sur rapport du pasteur d'Avèze, par ordonnance du 20 novembre 1630. Au reste, à cette date, Bréau avait construit son temple et acheté son cimetière, de sorte que la dépense était faite et que les intérêts matériels des protestants de la Bréaunèse étaient ainsi épargnés. A noter que le 14 janvier 1629, pierre PONS, de Serres, vendait aux habitants de la Bréaunèse, pour le prix de 40 livres, une terre confrontait le chemin du Mazel à Serres et le chemin de Serres au Bruel, pour en faire un cimetière.
C'est de 1619, en effet, que date la création de l'Eglise Réformée de Bréau. Son premier ministre fut Jacques TUBERT, originaire de Montpellier. Il épousa Jeanne de MAYSTRE, issue d'une ancienne famille de Bréau, et exerça son ministère dans cette paroisse pendant sept ans, jusqu'en 1626.
Dès 1624, pourtant, Gabriel DUVAL, consul de Bréau, assisté de plusieurs habitants de Bréau et de Mars, fut député au synode du Vigan pour y demander un nouveau pasteur, ou pour tâcher de s'accommoder avec le sieur TUBERT et arrêter ses comptes. Le pasteur TUBERT s'était retiré au Vigan, parce que l'église de Bréau ne lui payait pas correctement ses gages. Une transaction, reçue parle notaire CAPTON, du Vigan, en 1624, arrête ce compte à 603 livres tournois, ce qui représentait à peu près deux années de traitement.
Les pasteurs, sous l'ancienne discipline réformée, étaient payés directement par leur église et cette fâcheuse coutume entraînait de fréquentes frictions qui devaient gêner considérablement leur ministère. C'est ainsi que le pasteur TUBERT qui fut ensuite pasteur à Avèze, en 1644, fut aussi en procès avec cette paroisse au sujet de ses gages. Au cours de 1626, ce pasteur passe à l'église de Mandagout, mais il continue à habiter Bréau.
Succéda au pasteur TUBERT, Jacques BERLIE, de 1626 à 1630. Pendant son ministère, eut lieu le rattachement de la Bréaunèse et de Salagosse, et le procès contre le baron d'HIERLE. Il eut, lui aussi, des difficultés avec la paroisse sur le constant problème des gages. Il faut dire à la décharge de la population que le budget de la communauté était grevé de lourdes impositions et de dettes importantes, contractées à l'occasion des guerres religieuses de ROHAN.
Puis vinrent les pasteurs DUMAS, en 1637, DEDIEU, de 1638 à 1640, Jean SARRAN, de 1641 à 1643, en 1644, le pasteur Elie FLORY, jusqu'en 1647, puis Pierre BOYER, de 1647 à 1640, et enfin le pasteur Jean SOLEIL, de 1649 à 1664. C'est lui qui eut la tristesse de voir, quelques mois avant son décès, l'exercice de la Religion Réformée interdite et la démolition du temple.
La Vie des Fidèles au XVIIè siècle
La population atteignait 600 âmes au début du XVIIè siècle. Elle était exclusivement protestante, et les délibérations politiques et religieuses avaient toutes lieu dans le temple. Les comptes des collecteurs nous apprennent qu'un seul et même budget paraît aux dépenses publiques et religieuses de la communauté.
Les gages des pasteurs variaient de 300 à 320 livres par an et ils étaient difficilement payés. Si les Bréaunais étaient de mauvais payeurs, ils étaient pourtant fort attachés à leur confession religieuse. C'est ainsi que, lors des vacances des pasteurs, ils envoient des messagers demander aux églises voisines ou aux synodes le ministère de pasteurs " pour les consoler". L'instruction des enfants était confiée à un régent d'école. Ce dernier sonnait la cloche et servait de diacre et de chantre. Il semble que l'instruction ait été assez développée. Une bonne partie de la population masculine savait lire et écrire.
Dans l'épopée des guerres religieuses, les Bréaunais fournirent leu appoint aux troupes de ROHAN, tant en hommes qu'en vivres et munitions. En 1621, une quarantaine de soldats de Bréau, sous les ordres des capitaines MAYSTRE et QUATREFAGES, furent du nombre de ceux qui, sous le commandement de BEAUFORT, seigneur d'Avèze, avec 1200 Cévenols huguenots, traversèrent l'armée royale qui assiégeait Montauban, et, par ce secours, obligèrent le roi Louis XII à lever le siège de la ville.
De 1621 à 1627, les Bréaunais envoient des vivres et des munitions aux troupes de ROHAN qui assiègent Arre, Bez, Arigas, Esparon, Alzon et Blandas. En 1627, le capitaine Etienne MAYSTRE conduit 27 soldats bréaunais au secours de St-Jean du Bruel. En 1629, le pays loge fréquemment des compagnies du duc de ROHAN. Enfin, parmi les députés protestants qui signeront le 27 juin 1629 la paix d'Alès avec Louis XIII, figurent les Bréaunais Gabriel DUVAL et Pierre QUATREFAGES, tous eux docteurs en droit.
Tout cela n'allait pas sans de grosses dépenses pour la communauté. Les protestants de Bréau participèrent aux travaux de réfection des remparts du Vigan. Pour leur part, ils eurent à payer la construction de la tour du Buscaillou, près du Pont coûta Vieux. Il leur en 1030 livres. Quelques mois plus tard, la paix d'Alès imposait la démolition des remparts de plusieurs places fortes, dont celle du Vigan. Il fallut détruire ce qui venait d'être construit à grands frais. Au cours de ce siècle, les protestants de Bréau eurent encore à lutter contre les exactions sans nombre du baron d'HIERLE, et formèrent un puissant syndicat.
Un usage en honneur dans l'église du XVIIè siècle était l'intérêt que l'on portait aux pauvres. Pas un seul testament qui ne comporte un legs fait aux pauvres de la paroisse, en espèces, quelquefois en nature, parfois en blé, distribuable en pains cuits, par l'héritier, assisté des anciens du consistoire.
Dans l'église, on désignait, parmi les anciens, des syndics des pauvres. En 1621, c'était les sieurs François de QUATREFAGES et Pierre MAHISTRE qui géraient la bourse des pauvres. C'est ainsi que l'on voit ces syndics prêter 40 livres à un cardeur de Bréau " d'argent pris par lesdits syndics dans le bassin des pauvres ".
Interdiction du culte Réformé à Bréau - Rasement du Temple (1664-1685)
Un arrêt du Conseil d'Etat du 16 octobre 1663 interdit l'exercice du culte réformé et condamne au rasement les temples de plusieurs paroisses : Pommiers, St-Bresson, Roquedur, St-Julien de la Nef, Ardaillers, Cros, Taleyrac, le Pont de Montvert, St-Sauveur des Pourcils, Dourbies, etc… Bréau était compris sur cette liste noire. Toutes les démarches faites pour empêcher l'exécution de cet arrêt furent vaines, notamment celles d'un fervent huguenot du Vigan, l'avocat FOUQUET de BOISELARD, qui devait lui-même périr en mer en 1687, alors qu'il était déporté aux îles d'Amérique.
Le 27 janvier 1664, l'Intendant du Languedoc BAZINS de BESONS rendit une ordonnance commettant Martin HUCHARD, garde du roi en prévôté de son hôtel, pour procéder dans les diocèses de Nîmes et d'Uzès à l'exécution de l'arrêt de 1663. Le sieur HUCHARD, accompagné d'un certain nombre de soldats, arriva Bréau, dès les premiers jours de mars 1664, et, avec l'aide de la population réquisitionnée, il abattit le temple. La communauté dut encore lui payer des frais qui s'élevèrent à 265 livres. Ce fut Jean BRESSON qui, en sa qualité de consul de la RPR (Religion Prétendue Réformée), dut vaquer à ces tristes opérations . Tout le bois et les futailles du temple furent transportés dans la maison de sieur de PUECHMEJAN, à la Surle. Les pierres de taille furent déposées, le lendemain, chez Pierre de QUATREFAGES.
Une légende voudrait que le château de Bréau ait été construit avec les matériaux de démolition du temple. Il ne put en être ainsi, puisque le château porte la date de construction de 1663, donc antérieure à la démolition du temple. Au reste, le propriétaire qui le fit construire, Jacques de CALADON, était un ancien de l'église, et nul, et lui moins que tout autre, n'aurait osé s'approprier ainsi les ruines d'un édifice détruit dans les larmes. A noter qu'une partie des matériaux servit, en 1678, à la clôture du cimetière du village.
En conséquence de l'arrêt de 1663, l'église de Bréau et de la Bréaunèse fut rattachée à la paroisse d'Aulas, mais le pasteur continua à résider à Bréau. En 1671, vint à Bréau Lévy GUICHARD, natif de Sauve, où son père avait été pasteur. Nous ne craindrons pas d'anticiper en rapportant dès à présent la courageuse attitude de la fille de ce pasteur, Louise GUICHAR, native de Bréau. Agée de 18 ans, pour se soustraire aux persécutions, elle entre au service des demoiselles de MONTVAILLAN, au château de St-Jean du Gard. Au mois d'octobre 1689, les soldats amènent au château le prédicant Jean ROMAN, qui doit être pendu le lendemain. Dans la nuit, à travers la porte du cachot, avec la pointe d'une baïonnette, la jeune fille dénoue les liens de la corde qui lie les bras du prisonnier. Elle lui fait passer ensuite cette arme avec laquelle la serrure est forcée. Puis, avec une corde faire de draps, l'intrépide jeune fille fait descendre le prisonnier devant les fenêtres de BAVILLE, qui dort dans le château, et le prédicant s'enfuit. A son réveil, l'Intendant menace de faire exécuter le châtelain, de raser le château, de détruire la famille. Mademoiselle GUICHARD déclare qu'elle est la seule responsable de l'évasion du prisonnier. Le fouet et la prison perpétuelle furent la réponse de BAVILLE.
C'est alors que commencent les graves persécutions connus sous le nom de " dragonnades ", la nuit s'étend sur les Cévennes.
Malgré l'interdiction du culte en 1663, et le rasement du temple en 1664, la population de Bréau était restée entièrement protestante. Ce n'était pas le but recherché par les autorités. Aussi, pour parvenir à leurs fins, qui étaient la conversion générale au catholicisme, les autorités décidèrent de loger des troupes chez les populations protestantes pour contraindre celles-ci à abjurer.
Cet horrible traitement commença à Bréau le 8 octobre 1683. Ce jour-là, note village vit arriver la Compagnie de Gohas, du régiment du Colonel général des Dragons, et il dut l'entretenir jusqu'au 2 mars 1684, soit pendant près de 5 mois. Vint ensuite la Compagnie de Dondas, pendant 23 jours. Ce fut ensuite, pendant plus de 3 mois, une partie de la Compagnie de Tournezy, du régiment de la Fère, du 25 septembre au 31 décembre 1684. Ce fut encore la moitié de la Compagnie de Morstand, du régiment de Dragons d'Asfeld, logée à Bréau du 19 juin au 18 août 1685, l'autre moitié étant logée à Aulas. Les frais de garnisons s'élèveront à près de 11.500 livres, somme énorme. Le juge du Vigan, après vérification des comptes fournis par les trésoriers QUATREFAGES, MAHISTRE et FINIELS proposa que cette dépense fût répartie entre tous les habitants de Bréau et de la Bréaunèse, de RPR, suivant leurs revenus fonciers, et payable dans un délai de deux ans.
Le logement des dragons et le paiement des frais entraînèrent de lourds conflits au sein de la population, d'abord entre Bréau et Aulas, au sujet de la répartition des soldats, ensuite entre Bréau et Mars. Ce village prétendait être exempt de tout logement, comme dépendant de la baronnie de Meyrueis appartenant au Roi. De longs et coûteux procès s'ensuivirent. D'autre part, les notables chargés des redoutables fonctions de trésoriers furent souvent inquiétés. C'est dans ces conditions que les populations ruinées et terrorisées abjurèrent collectivement, et survint l'Edit révoquant l'Edit de Nantes, " attendu qu'il n'y a plus de protestants en France ".
Le 17 octobre 1685, les consuls de Bréau recevaient la lettre suivante : " Il faut que les consuls de la paroisse de Bréau fassent savoir à tous les habitants, tant fugitifs qu'autres, que les quatre jours que le roi leur a accordés pour le retour de tous les habitants dans leur domicile expirent de jourd'hui ; que ceux qui ne seront pas demain de retour seront condamnés à 10 écus par jour. Il faut encore que les femmes dont les maris sont convertis soient prêtes demain matin pour faire leur abjuration, ensemble les veuves. Monsieur le Curé sera demain sur les lieux pour cela et, au refus, elles auront le logement".
Au même moment, parvenait cet ordre d'un lieutenant de Dragons : " Le consul de Bréau indiquera les habitants qui n'ont pas fait leur abjuration, et, au cas qu'il y en ait qui ne l'aient pas encore faite, il mettra les dragons chez eux en garnison ". Une compagnie de Dragons du régiment de Firmaçon était alors logée à Aulas. Une partie en fut envoyée à Bréau en septembre, octobre et décembre 1685. Les comptes du consul de Bréau, en 1685, Roland NOUGAREDE, nous révèlent qu'il passa 8 jours à faire le logement des troupes de Firmaçon, 6 jours à faire la recherche des habitants qui ne s'étaient pas encore convertis, en décembre. Il mit 10 jours, assisté d'un écrivain, pour faire l'état de toutes les familles de Bréau qui auraient déserté leur maison.
Le Duc de NOAILLES, ayant donné l'ordre aux troupes cantonnées à Aulas de faire démolir le temple de ce lieu, le 19 novembre 1685, le consul de Bréau dut y participer pendant 10 jours avec 20 Bréaunais. Le consul passa encore 8 jours, accompagné de 2 dragons, pour faire la recherche de ceux qui n'avaient pas abdiqué.
Le 1er décembre, était encore adressé au consul le message suivant : " Je vous
envoie un état de la viguerie du Vigan, pour que vous visitiez jusqu'aux plus
petits hameaux, et que vous obligiez, autant qu'il vous sera possible, ce qui
reste de religionnaires à faire abjuration dans ce moment, faute de quoi vous
leur ferez entendre qu'ils auront le lendemain garnison, ce que vous exécuterez.
Faites en sorte que tout soit visité, jusques à la dernière maison, dans la
huitaine de ce mois, et que je puisse avoir un état juste et précis de ce qui
reste de religionnaires dans chaque endroit, même les valets, et supposé qu'il
manquât quelques lieux à l'état que je vous envoie, vous les adjoindrez "
Le Duc de NOAILLES
"Suivant l'ordre ci-dessus, vous ne manquerez pas de visiter toutes les maisons de Bréau et, au cas que vous y trouviez encore quelques-uns, soit femmes, filles ou enfants au-dessus de 14 ans, même des valets, qui n'aient pas fait leur abjuration, vous m'en donnez avis aujourd'hui l soir, afin que j'y mette garnison, et si, dans la visite que je ferai demain de votre quartier, par chaque maison, il s'en trouve quelqu'un, je m'en prendrai à vous, comme d'une chose contraire u service du Roi. C'est de la part de DUCHESNEL. Ce matin 1er décembre."
L'Eglise du Désert (1685-1787)
C'est alors que commença, pour l'église de Bréau, ce que l'on appelle l'église du désert ou l'église sous la Croix. Eglise invisible, qui, pendant cent ans, devait maintenir la foi au milieu des persécutions et des martyres.
On commença par assister à la fuite de plusieurs Bréaunais. Les noms des fugitifs pour cause de religion qui sont parvenus jusqu'à nous sont :
Ces fugitifs sont d'humbles cardeurs, des travailleurs de terre, ou encore de riches bourgeois, comme Lévy d'UNAL. Plus tard, on assistera, vers 1710, à la fuite du Seigneur de SERRES. Ce sera ensuite l'exil de Lydie de CALADON, sœur du Seigneur de Bréau. Cette dernière épousa au désert, le 16 juin 1732, le pasteur MAROGER. Son acte de mariage, signé par le pasteur CORTEIZ, fut découvert. On vient arrêter la jeune dame au château de Bréau. Un brigadier et 6 dragons la conduisirent à Montpellier. Le 26octobre, elle fut internée dans un couvent de Lodève, mais là elle résista à toutes les sollicitations des convertisseurs, si bien qu'elle lassa ses geôliers. Elle fut enfin libérée et put rejoindre en Suisse, à Vevey, le pasteur qui s'y était réfugié.
Pour ceux qui restent au pays, les conversions sont arrachées en alternant l'usage des dragons et des capucins. Après quelques années de calme relatif, s'achève le XVIIè siècle, commencé sous le règne glorieux d'Henri IV, terminé dans un effroyable despotisme, dans la peur et l'esclavage des consciences.
Mais, dès l'aube du XVIIIè siècle, les autorités se préoccupent des agissements des NC (Nouveaux Convertis), sur l'activité desquels elles ont des doutes. Malgré toutes les précautions, survient l'explosion des consciences opprimées, des souffrances trop longtemps contenues. C'est la guerre des Camisards.
La population de Bréau reçut l'ordre d'élever aussitôt des fortifications et de s'enfermer dans le village avec tous les habitants des mas et des hameaux, pour se garantir des Camisards. Les travaux furent exécutés de novembre 1703 en mars 1704, le village fut entièrement fermé. Il ne communiquait avec l'extérieur que par trois portes, l'une dans le haut du village, une deuxième à la Croix et la troisième, probablement au quartier des Barris. Les Camisards s'approchèrent de Bréau. Il y eut une vive escarmouche sous les murs du château, quelques assaillants auraient été tués, puis la troupe se serait retirée. C'est à Aulas qu'elle réussit à pénétrer et à brûler l'église catholique, le 1er mars 1704.
Notre vallée de Bréau fournit au mois deux Camisards. Antoine DUPONT, de Bréau, " âgé de 27 ans, portant perruque blonde, bien fait et de bonne taille ", fut parmi les cent compagnons de CAVALIER qui accompagnèrent leur chef hors de France après la soumission. L'autre, Etienne FINIELS, du Mazel, encore en prison en 1706, à Alès, comme Camisard.
Cette même année 1706, le consul doit fournir un état de toutes les maisons inhabitées qui pourraient servir de refuge aux camisards : claies, granges dans la montagne, etc… Aucune rigueur ne put venir à bout de la population, qui apparaît sans zèle pour sa nouvelle religion. En 1709, l'Intendant ordonne de conduire à Aigues-Mortes tous les fanatiques qui se pourraient trouver dans la commune. Il défend de faire des veillées ou assemblées de plus de quatre personnes.
Le 21 juillet 1709, douze dragons et un capitaine sont envoyés en garnisons à Bréau. En 1711, pendant 8 mois, Bréau reçoit la garnison d'une demi-compagnie du régiment de dragons de Sommery.
Le 22 juin 1713, l'intendant fait savoir qu'à sa prière et à celle de Monsieur le Duc de ROQUELAURE, le Roi a retiré la plus grande partie de ses troupes pour soulager le peuple, à condition de se contenir dans leur devoir ; que s'il se faisait des assemblées illicites, les troupes y seraient en pure perte (pour les habitants) et d'exhorter le peuple à être sage. Mais il faut payer les gages d'un curé et d'un missionnaire, il faut fournir des mulets, du foin, des draps pour les troupes, et comme les habitants font la sourde oreille, Bréau reçoit en 1714, à huit reprises, des soldats en garnison.
Au début de 1716, une assemblée est surprise à Mandagout. Le 19 mars suivant, Bréau reçoit garnison d'un lieutenant et de 20 grenadiers du régiment de la Marine. La garnison y restera trois mois.
Le 4 mars 1716, l'intendant BAVILLE ordonne que chaque consulat de la paroisse d'Aulas répondra des assemblées qu'on pourrait faire.
Le 17 mai 1716, une déclaration du Roi renouvelle la défense aux NC de faire des assemblées. Peu après, on surprend, aux Roques d'Aubais, une assemblée ; le Duc de ROQUELAURE ordonne à tous les hôteliers et cabaretiers de porter tous les jours aux commandants des troupes la liste de ceux qui auront logé chez eux. Les assemblées tant redoutées des autorités se multiplient. Les églises renaissent, sont groupées par quartier, et régulièrement visitées par des prédicants et des pasteurs.
En 1726, notre région reçoit le pasteur du désert Jean GAUBERT, natif d'Arphy ; au printemps suivant, c'est le prédicant ROUSSEL qui lui succède dans les églises du quartier du Vigan. A Bréau, les réunions ont lieu généralement dans le vallon du Rieu, aux Abandons, à la Quinte, dans un endroit retiré, difficile d'accès. Quelquefois les fidèles se réunissent avec ceux de Molières, à Combe Blonde, sous les rochers de Courbière.
Le 15 juin 1727, ROUSSEL préside à la Quinte une assemblée de 1000 à 1200 personnes. Peu de jours après, toutes les églises de la région furent assemblées par le pasteur CORTEIZ, sur la montagne de la Luzette, et, le dimanche suivant, à Orgon. A cette dernière assemblée assistait Antoine COURT, le restaurateur des églises, qui faisait une tournée générale dans toute la région. Le 2 et le 21 août 1727, autres assemblées du prédicant ROUSSEL pour Bréau et Molières, avec une assistance de 1200 à 1500 fidèles. A l'automne 1727, ROUSSEL fut remplacé dans cette région par le pasteur BOYER. A la fin de l'année, ces deux pasteurs firent un échange de chaire, ROUSSEL présida à Combe Blonde, la veille du Jour de l'An 1728, de nuit, une assemblée à laquelle assistèrent, malgré les dangers et le froid très vif, 800 personnes. Au printemps 1728, ROUSSEL était à nouveau dans nos villages. Il devait présider une assemblée pour Bréau et Molières, mais, écrit-il dans son journal, " la pluie dérangea l'affaire ". Elle fut remise au lendemain 25, de nuit. Cette fois, ce ne fut pas la pluie, mais les dragons qui la troublèrent. Le pasteur MAROGER, allant prendre son poste en Guyenne, visita l'église de Bréau, le 4 mai 1728. C'est lui qui, quatre ans plus tard, y devait épouser Lydie de CALADON. De juin à septembre 1728, de nombreuses assemblées sont présidées par ROUSSEL, à la Quinte, au Valat ou au Rieu. Le 10 octobre 1728, A. ROUSSEL est arrêté par trois dragons sur le chemin du Vigan à Aulas, à huit heures du soir. Conduit à Aulas, il est enfermé dans l'église et transféré le lendemain au Vigan. Interrogé, il répond " ému de compassion et de zèle pour nos frères protestants persécutés, je me suis voué à leur prêcher la parole de Dieu, les exhortant à la repentance et à prier Dieu pour l'Etat. " Le 30 novembre 1728, ROUSSEL, sur l'Esplanade de Montpellier, entre deux haies de soldats, s'achemine vers la potence.
Le martyre de ROUSSEL n'arrête pas le zèle des prédicants, et les synodes du désert continuent à pourvoir nos vallées de visiteurs messagers de la parole. On trouve fréquemment, dans nos régions, la présence du pasteur CORTEIZ, notamment pendant l'été 1731. Mais, il faut l'avouer, notre région se trouvait alors en plein schisme. Cela peut paraître incroyable, alors que les pasteurs et prédicants risquaient, jour et nuit, la potence, les galères ou la prison. Tel est pourtant le fait ; il semble avoir pour origine ce que les historiens ont appelé le prophétisme.
En effet, après les affreuses persécutions de la fin du XVIIè siècle, et pendant la guerre des Camisards, il s'était élevé un mouvement d'exaltation religieuse, entraîné par d'ardents chrétiens se disant inspirés par le Saint Esprit et prophétisant. Sans méconnaître la valeur de ces inspirés, les restaurateurs du protestantisme furent bien obligés de freiner un mouvement qui ne connaissait plus de bornes, sortant parfois du pur enseignement de l'Evangile, et risquant de compromettre toute organisation.
Le pasteur BOYER, originaire de Lausanne, avait une tendance marquée pour le prophétisme. Il fut déposé par deux synodes, refusa de reconnaître leur autorité et mit en péril la discipline rétablie par Antoine COURT en 1730. Dans nos vallées, BOYER avait de nombreux partisans, séduits par son zèle et son austérité. " L'esprit de fougueuse indépendance dont il était le représentant, gagnait chaque jour du terrain, au détriment de l'esprit d'ordre et de paix, succédant aux ardeurs de l'ancien prophétisme ". Plusieurs lettres de CORTEIZ à Antoine COURT contiennent d'amères plaintes sur ce fougueux collègue. Enfin, Antoine COURT, réussit à réconcilier BOYER avec les pasteurs des églises qui s'étaient déclarées contre lui, au cours du synode de Lédignan en 1745.
Entre temps, l'église d'Aulas-Bréau avait été réorganisée par Antoine COURT, dès 1736, et un registre des actes paroissiaux célébrés à Bréau fut tenu à partir de 1742. On y trouve la signature du pasteur BOYER jusqu'en 1748.
L'année 1742 est celle des martyrs de Bréau, année cruelle et mémorable par la surprise de l'Assemblée de Mouzoulès, le 29 avril. Trois hommes et huit femmes furent capturés, dont six Bréaunais :
André LIEURE fût condamné aux galères et y mourut six mois après sa capture, le 30 octobre 1742. Jeanne VALETTE, en raison de son jeune âge, fut enfermée dans un couvent à Anduze ; elle devait en sortir peu après. Quant à ses compagnes plus âgées, elles furent condamnées à avoir la tête rasée, et à être enfermées à la tour de Constance pour le reste de leurs jours. Toutes y moururent plutôt que d'abjurer. Anne FALGUIERE en particulier, y resta 19 ans, et y mourut en 1761, après avoir élevé sa fille qui y était entrée avec elle âgée de 5 à 6 mois, et qui en était sortie en 1758.
Neuf ans après cette tragédie, le 9 mars 1751, une assemblée tenue au ruisseau des Abandons, entraîna la condamnation de la région à une amende, heureusement il n'y eut pas de victime.
Le dernier drame que connut notre vallée fut celui du 30 janvier 1752. Ce jour-là, le pasteur MARAZEL présidait une assemblée à la Quinte ; il y fut rejoint par le prédicant François BENEZET. Après la réunion, les deux prédicateurs rentrèrent au Vigan et s'y arrêtèrent pour la nuit. Dénoncés par une femme, ils furent cernés par les dragons dans la maison où ils logeaient. Le pasteur MARAZEL réussit à s'enfuir, mais BENEZET fut pris. Les protestants ayant manifesté l'intention de le délivrer, le prisonnier les exhorta au calme et se laissa emmener à Montpellier, escorté de 50 dragons, 300 grenadiers et 500 soldats d'autres armes. Jugé et condamné à mort, il fut exécuté sur la sinistre Esplanade de Montpellier, âgé de 27 ans. On l'entendit chanter pendant son supplice : "La voici l'heureuse journée qui répond à tous mes désirs".
A noter encore, en 1755, la dénonciation comme anciens de l'église de Bréau, de GUIBAL, faiseur de bas, FALGUIERE, cordonnier, père de la prisonnière de la Tour de Constance, mais il ne semble pas qu'ils aient été inquiétés, nous sommes au déclin des persécutions. Les martyrs ont lassé les bourreaux, quelques catholiques interviennent à la Cour pour améliorer le sort des protestants et ceux-ci vont pouvoir exercer leur culte avec moins de risques. Le pasteur d'Aulas-Bréau, en 1759, fut Paul MARAZEL, qui avait échappé à ses ennemis pendant les temps héroïques. Il avait pris sa résidence au Plan, où il devait décéder, le 22 août 1789, après un ministère d'un demi-siècle.
De la Tolérance à la Restauration (1787-1833)
Enfin ce fut l'Edit de Tolérance, accordé par le roi Louis XVI, au mois de novembre 1787, par lequel l'existence du protestantisme était reconnue en France, et l'état civil rendu aux protestants.
Les archives de la commune ont conservé les registres sur lesquels ont été recueillies par le curé de Bréau, l'abbé COUSTIER, les déclarations de mariage des non-catholiques au bénéfice de l'Edit de Tolérance de 1787. Nous y retrouvons notamment celles de Monsieur QUATREFAGES, de Bréau, seigneur de lieu, Monsieur André FINIELS, premier consul, le Ministre Paul MARAZEL, qui est qualifié de " Docteur " et celles de 119 autres chefs de famille.
Peu après, survenait la Révolution de 1789. Le pasteur qui desservait à cette époque les églises de Bréau et d'Aulas était Louis LAGARDE. Après la reconnaissance de la liberté de conscience, survient la Terreur. Le culte fut alors interrompu et le pasteur LAGARDE, ainsi que le curé COUSTIER, renoncèrent tous deux à leur ministère. Cela dura peu ; un décret du 11 prairial de l'AN III consacre à nouveau la liberté des cultes et le pasteur LAGARDE reprend son ministère à Aulas, Bréau et Molières.
Mais alors se pose la question du lieu de culte. Le décret précité prévoyait que le même lieu de culte servirait aux catholiques et aux protestants. Le pasteur LAGARDE, sachant que ni les protestants, ni les catholiques, ne seront satisfaits, demande l'autorisation de faire ses cultes en plein air. Le Président du canton d'Aulas s'y oppose violemment. L'administration décide que l'église de Bréau servira au culte catholique de 6h du matin à midi et au culte protestant de 1h à 5h du soir. Le pasteur LAGARDE refusa ce partage et déclara à l'adjoint de Bréau qu'il entendait faire ses cultes dans la pièce de terre close, où est située la petite maison de SAUVEPLANE, dit Tricoul, au mas de Guinet. Au premier culte, le président du canton d'Aulas intervient, se précipite sur le pasteur et tente de lui arracher sa robe. Mais cette opposition ne persista pas longtemps, et les cultes reprirent bientôt au mas de Guinet, où ils se poursuivirent pendant quelques vingt ans.
Dès qu'il fut possible aux protestants de Bréau d'avoir un lieu de culte autre que la voûte des cieux, ils acquirent le rez-de-chaussée d'une maison du village, dont le sous-sol appartenait alors à la famille VIDAL, de la Poujade, et qui est maintenant la propriété de la famille GACHE. Le pasteur qui exerçait alors son ministère à Aulas et Bréau était Monsieur VORS. Enfin, par ordonnance du roi Louis PHILLIPE, du 25 avril 1833, l'église de Bréau fut créée et restaurée dans son autonomie.
L'église de Bréau jouit de son temple actuel depuis la fin de l'année 1845. Sa construction fut projetée sous le ministère de Monsieur ARNAL, dès 1840. A cette date, le modeste temple que les protestants possédaient s'avérait manifestement insuffisant. Il faut rappeler à ce propos que la place publique actuelle n'existait pas et que l'on accédait au temple par une rue étroite, bordée du côté des Parros par un mur élevé.
Le conseil municipal, saisi de la question commença par voter, le 3 février 1840, un crédit pour des réparations. Mais ce geste ne suffisait pas et, le 8 novembre 1841, le conseil, présidé par Monsieur SEVERAC, maire et conseiller presbytéral, fut saisi d'une demande en autorisation de vendre l'ancien temple et d'acheter un terrain pour servir à la construction de l'édifice actuel. Les plans et devis étaient déjà faits. En 1842, l'ancien temple était vendu aux enchères et adjugé pour le prix de 1 410 F ? Des fonds furent votés par la commune, d'autres alloués par l'Etat ; la plus grande partie fut recueillie sous forme de dons et par souscription auprès des fidèles. Le terrain fut acquis de François BRESSON, pour le prix de 300 F. Le bâtiment fut construit par l'entrepreneur Jean CAZAL, du Vigan, à qui il était encore dû en 1850 la somme de 1350 F pour solde des travaux. Une délibération du 6 février 1844 nous fait connaître qu'à cette date les travaux de construction étaient bien avancés et que le bâtiment serait terminé sous peu. Il l'était certainement dès la fin de 1845. Cet édifice comprenait : le bâtiment dans sa composition actuelle, plus une entrée en forme de péristyle entouré de grilles. Plus tard, ce péristyle fut trouvé gênant pour la circulation autour du temple, et il fut démoli.
A titre de curiosité, l'on peut noter que les marches en pierre de taille formant accès au temple furent taillés par un maçon de Bréau, nommé MAHISTRE, descendant du maçon Etienne MAHISTRE qui avait réalisé la chaire du premier temple en 1618. La cloche fut inaugurée le 13 décembre 1893 : elle provient des fonderies de la Maison ARAGON, de Lyon, et porte l'inscription suivante : Don de Madame MARACCI, de Genève, 13 décembre 1893. "Louez l'Eternel, car l'Eternel est bon".
C'est dans le courant de l'année 1976 que la décision fut prise de réparer le temple de Bréau. Il s'agissait de remettre cet édifice dans son état primordial, en ne modifiant pas son ordonnance, essayant même de la magnifier à l'aide de dispositions très simples. Nous avons, dans notre village, la chance de posséder un lieu de culte ayant des proportions architecturales très harmonieuses et une capacité correspondant aux besoins actuels. Mais notre souci était de ne pas nous arrêter à une pure question de bâtisse. Ce temple, dans son contexte, pouvait avoir une vocation qu'il fallait étudier, non pas seulement sur le plan du village, mais dans un cadre élargi à la dimension du secteur, et peut-être au-delà. Pour cela, il fut décidé qu'une commission d'étude et de recherche devrait être constituée, afin de réfléchir sur les possibilités offertes. Cette commission travaille depuis presque une année et les grandes lignes ont été définies : le temple de Bréau pourrait être un lieu de rencontres, de confrontations, de recherches. L'animation serait faite par des pasteurs, mais également par des laïcs. Des expositions pourraient avoir lieu dans la galerie supérieure. Ces manifestations pourraient souvent illustrer les thèmes de prédication choisis, prolongement graphique de la Parole. Le contraire peut être également envisageable, une exposition ouvrant sur une suite de prédications, suivies d'échanges, méditations, etc...
Souhaitons que tous nos projets se réalisent, qu'une vocation certaine soit trouvée, et que ce bâtiment si harmonieux, unissant dans ces mesures et dans ses lignes de force ce qui est en Haut et ce qui est en bas, puisse permettre la recherche et peut-être favoriser encore plus la rencontre avec CELUI QUI EST.
(fin)